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Notre newsletter quotidienne sur les enjeux de lobbying et de transparence en France.

Par ELISA BRAUN

Avec OCÉANE HERRERO, PAULINE DE SAINT REMY et PAUL DE VILLEPIN

Infos, tuyaux et mini-drames à partager à @Heroceane, @DevillepinPaul, @alphoenix ou [email protected] | Voir dans votre navigateur

— Edouard Philippe fait bruisser les Rencontres, l’absence d’Elisabeth Borne interroge

— Vendu ou pas ? Jean-Hervé Lorenzi nous répond sur ses idées pour la suite

— Les techos font passer leurs messages sous le chant des cigales

Bonjour à toutes et à tous pour cette dernière édition spéciale depuis Aix-en-Provence, d’où nous repartons certes moins frais qu’à l’arrivée mais ravis d’avoir pu croiser nombre de nos lecteurs et d’en rencontrer de nouveaux. Vous avez goûté à nos jeux de mots et ne pouvez plus vous en passer, savouré nos infos de derrière les fagots ? Il est bien sûr possible de vous abonner à Paris Influence toute l’année en contactant [email protected]

L’EX À AIX. C’est entouré de sa garde rapprochée — son dir’cab à la mairie du Havre, Mohamed Hamrouni, et l’actuel dir’com du groupe Carrefour, Charles Hufnagel — qu’Edouard Philippe a déboulé en bras de chemise hier en tout début d’après-midi pour participer à un panel très suivi intitulé “Quels choix de sociétés ?”. À ses côtés : Véronique Bédague, PDG de Nexity (dont le nom circula en 2022 pour succéder à Jean Castex rue de Varenne), Asma Mhalla, spécialiste Tech de l’Institut Montaigne, Rodolphe Saadé, PDG de CMA-CGM et Philippe Wahl, patron du groupe La Poste.

Petite musique. Dissertant sur les besoins de la société française, l’ex-Premier ministre s’est appesanti quelques instants sur les sujets d’éducation, lui pour qui l’école est le “chantier le plus urgent”. De quoi faire frémir les plus branchés poloche des festivaliers d’Aix, parmi lesquels quelques ex-conseillers de l’exécutif à qui une info n’avait pas échappé : le matin même, le Figaro évoquait l’éventualité de l’arrivée du fondateur d’Horizons au ministère de l’Education nationale, à l’occasion d’un remaniement très prochain.

Grand mutique. Raison de plus pour Edouard Philippe, qui ne raffole pas de la compagnie de la presse politique, de s’en tenir à bonne distance, tout comme des mondanités. Ainsi le Havrais a-t-il choisi après son intervention de s’offrir des tête-à-tête à l’ombre d’un arbre un peu à l’écart de la foule, notamment avec son ancien camarade des Républicains, Michel Barnier. Le tout bien surveillé par un staff tenant la garde, qui s’est contenté de nous rappeler l’engagement constant et ancien de Philippe sur le sujet de l’éducation… et a refusé de confirmer ou d’infirmer les rumeurs.

Ça bêche. “S’il rentre au gouvernement, il va se couper de tout son entourage”, nous a certifié le communicant d’une grande agence, avec l’air de savoir des choses.

Remaniement partout. L’absence d’Elisabeth Borne aujourd’hui, dont POLITICO vous parlait dès jeudi, fut bien sûr elle aussi abondamment commentée à l’ombre des pins. Pour un ex-conseiller de l’exécutif avec qui nous discutions, l’explication allait de soi : impossible pour la “PM” de venir déambuler à Aix, alors qu’elle ne sait toujours pas clairement si elle est maintenue en poste. Dans une interview au Parisien parue dans la soirée, Borne s’abstient d’ailleurs de dire si elle a reçu des “garanties” de la part du président sur le sujet. Elle a pourtant dîné en tête à tête avec lui vendredi soir, a ouï dire POLITICO…

Suspense. “Les ciseaux ne sont pas encore rangés”, croyait savoir le même conseiller cité plus haut, interrogé par vos serviteurs. Comprenez : le remaniement a beau être imminent, toutes les options, du remaniement “technique” au véritable “chamboule-tout” gouvernemental, restent sur la table.

POUYANNÉ SE LÂCHE. La température a pris quelques degrés hier matin lors de la table ronde des énergéticiens où les poids lourds du secteur échangeaient pourtant à la fraîche. Alors que la patronne d’Engie, Catherine MacGregor, venait d’évoquer des prix de l’électricité inférieurs à ceux de la France en Espagne sur le marché spot (c’est-à-dire de court terme), saluant un “mix décarboné et bon marché pour le consommateur espagnol” notamment grâce aux renouvelables, le patron de TotalEnergies Patrick Pouyanné lui a répondu de manière quelque peu cavalière — le mot “misogyne” a même été prononcé auprès de votre infolettre par des membres du public.

“J’ai horreur de faire Madame Soleil,” a-t-il ainsi lancé dans sa direction, partageant ses doutes sur la stabilité à long terme de ces niveaux de prix. Et de conclure : “On peut pas dire aux gens que parce que le soleil est gratuit, ça va pas être cher”. Catherine MacGregor, toussant fort et visiblement décidée à ne pas lui laisser le dernier mot, a répliqué dans une atmosphère un brin tendue. A tel point que le patron d’EDF, Luc Rémont, s’est senti obligé de calmer le jeu par une boutade. Ambiance…

LE MAIRE SUR DES RAILS. Grand habitué des Rencontres, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a déroulé ses éléments sur les objectifs en matière de croissance et de transition climatique dans une autre des sessions les plus courues de la journée, ministre oblige.

Niches brunes. Il a notamment évoqué les pistes sur lesquelles travaille le gouvernement pour financer la transition écologique, et notamment la réduction des niches dites brunes. “Nous réduirons les avantages fiscaux sur les GNR (gasoil non routier) agricoles ou de travaux publics, éventuellement en accompagnant avec l’accès à de petits engins électriques,” a-t-il ainsi confirmé. Pris d’inspiration, le ministre écrivain a même cité Voltaire, lancé à toute allure dans sa calèche, pour faire passer son message : “Ralentissez-monsieur, je suis pressé”. Sous-entendu, il faut aller vite, mais accompagner.

Post-scriptum : Le doute assaille votre infolettre sur l’origine réelle de cette citation, probablement apocryphe et plus souvent attribuée à Talleyrand ou Churchill qu’au philosophe des Lumières.

SAIXCESSION. N’allez pas parler à Jean-Hervé Lorenzi, infatigable organisateur des Rencontres d’Aix, de la vente de son bébé à une grosse boîte : ce n’est pas un sujet, dit-il aux journalistes (nombreux) qui l’interrogent déjà sur la suite. Le jeune homme, qui va sur ses 76 ans, s’anime plus volontiers sur les thèmes de ses conférences et les efforts de son équipe, pour laquelle les superlatifs fusent, tandis qu’il balaie nos questions bassement financières d’un “ce n’est pas possible et je n’en ai pas envie”. Point.

Chaque année pourtant, les festivaliers spéculent sur le prix ou l’acheteur prestigieux de ces rencontres, qu’il monta jadis avec quelques copains dans des locaux d’université, aidé ensuite de noms comme Robert Zarader (communicant à l’origine du “président normal” de Hollande) ou encore Christine Lagarde (ex-ministre de l’Economie devenue entre temps présidente de la Banque Centrale Européenne).

Les faits et les rumeurs. Côté Publicis, on glisse avoir été approché l’an passé pour une discussion — ce qu’un officiel des rencontres nous démentait cependant hier, sous couvert d’anonymat. Le groupe aurait commis quelques maladresses, malgré son intérêt pour les Rencontres. Havas, par la voie de son patron Stéphane Fouks, laisse pour sa part la porte ouverte. “Si jamais Jean-Hervé nous appelle, on regardera”, nous a-t-il lancé avant de virevolter vers d’autres mains à serrer. Au moins trois de ses concurrents en affaires publiques spéculaient en off hier sur des offres “imminentes” du groupe, tantôt à 4, 7 ou 10 millions d’euros. “Nos concurrents racontent des conneries”, nous a–t-il chargé de leur répondre.

Autres noms mis dans le chapeau pour le cru 2023 : Les Échos, cités par deux pro de la comm’, n’ont pas pu nous envoyer un démenti officiel avant le bouclage de cette infolettre. Croisés à leur soirée, les consultants de l’agence Forward (ex-Avisa, déjà organisateur d’événements comme le Forum International de la Cybersécurité à Lille) se montraient étonnés par l’hypothèse. Un autre démenti nous est enfin parvenu du géant des transports CMA-CGM, dont le nom est désormais sur toutes les lèvres dès que quelque chose est à racheter (à part l’OM).

Pourquoi les Rencontres aiguisent les appétits : l’événement du Parc Jourdan compte 7 000 participants, d’après ses organisateurs, soit 2 000 de plus que l’an passé. On dénombre 125 partenaires (un chiffre stable par rapport à l’année dernière) pour une organisation à 5,7 millions d’euros portée par une équipe de quinze personnes seulement — et quelques sous-traitants sur la com’, tels que l’agence Enderby. Les boîtes les plus prestigieuses s’y pressent pour un ticket d’entrée d’un minimum officiel de 40 000 euros — qui inclut notamment intervention à une table ronde du dirigeant, hébergement pour son équipe, accès à certaines festivités (déjeuner, dîner, concert…). Oh, et bien sûr, outre le fait de pouvoir y networker à gogo, on y entend les cigales.

Pourquoi ça coince : pour s’assurer du succès des Rencontres après une éventuelle reprise, une équation difficile devra d’abord être résolue, nous faisait remarquer un rencontrologue averti hier. Si un cabinet de conseil en strat’ ou en com s’avérait repreneur, ses concurrents se montreraient probablement moins enclins à participer — or leur présence garantit une source de revenus et d’animation non négligeable.

Autre sujet notable : le Cercle des Economistes a, depuis des clarifications juridico-administratives récentes pour protéger la marque et passer au statut d’association, son mot à dire sur la succession. Or ses membres peinent à se mettre d’accord. Notons enfin que les collectivités locales (le département et la région) ont sanctuarisé une aide financière et pratique pour les Rencontres qui assure une certaine stabilité à la formule telle quelle.

IA OU N’IA PAS. Plus que les années précédentes, les Rencontres ont accueilli un certain nombre d’acteurs de la Tech, venus étoffer leur carnet d’adresses avec les 06 d’acteurs de l’économie plus “traditionnelle”. On a ainsi pu croiser au café éphémère Guillaume Liegey, CEO de la startup eXplain, spécialisée dans l’intelligence artificielle (IA), Victor Storchan, également ingénieur en IA chez Mozilla, Jean-Marie Mognetti, CEO du gérant d’actifs numérique Coinshares, Philippe Corrot, de la jeune pousse du e-commerce Mirakl… ou encore Yann Le Cun, le célèbre scientifique en chef de Meta en charge de l’IA.

La frénésie et les questions autour de l’IA ont sans surprise mis le sujet à l’agenda des Rencontres, tendance sur laquelle veulent surfer ces spécialistes en prenant des contacts business et en répétant en choeur le même mantra : pour faire de la France une place forte de l’intelligence artificielle, il faudra réguler avec parcimonie. “Notre message, c’est : ne tuez pas les start-ups”, a expliqué Philippe Carrot à ma collègue Océane Herrero. Le patron de Mirakl a profité de l’occasion pour prendre un café en tête-à-tête avec Bruno Le Maire.

Objectif pédagogie, donc, “même s’il n’est pas toujours facile de parler le même langage que les responsables publics. C’est tout l’enjeu”, estime Victor Storchan de Mozilla. “Si je peux faire comprendre les enjeux de l’IA, j’ai gagné mon Aix”, conclut Guillaume Liegey.

IL L’A DIT. “Meta est l’allié objectif de l’Union européenne en termes de souveraineté”, a défendu Yann Le Cun, qui est intervenu dans un panel pas forcément acquis à sa cause. Au cours de la table ronde intitulée “Comment armer les États face aux GAFAMs ?”, le responsable a défendu le projet d’IA open source de son groupe.

JAZZ OU OPÉRA ? Jean-Hervé Lorenzi a tenu à nous offrir des explications chiffrées en réponse à ceux qui soupçonnaient l’organisateur des Rencontres d’avoir réduit le budget opéra pour de viles considérations budgétaires, comme nous vous le racontions ici. “L’ensemble de 600-700 places d’opéra [pour la première soirée] c’est 350 000 euros, et le concert de jazz d’Herbie Hancock nous coûte 200 000 euros (..) sauf qu’il est ouvert à tous les gens qui ont participé aux Rencontres”, a fait valoir Lorenzi, en insistant sur le caractère gratuit et ouvert de son festival — financé par les sponsors. “On est l’anti-Davos (…) où je ne suis jamais allé car je n’ai pas les moyens de me le payer!”, a-t-il ajouté, un poil bravache.

L’EX-AVISA AVANCE RAPIDE. Re-brandée sous le nom de Forward, l’ex-Avisa organisait hier soir un cocktail au Singe Vert, cour Mirabeau, avec le secret espoir de réussir à avancer au-delà des légers soucis réputationnels dont votre infolettre — et ses grandes soeurs EU influence ou Morning Tech — se sont souvent fait l’écho (ici, là ou encore par là). Autour d’un assortiment audacieux de nems et jambon, une dizaine de journalistes, une poignée de dir’com et même plusieurs patrons d’agences concurrentes avaient fait le déplacement, sous la menace de pigeons aixois qui risquaient d’entacher la ou les tenue(s) de la soirée.

Les passionnés d’ovalie les plus matinaux ont rendez-vous dès 8 heures pour un échange sur les enjeux du mondial de rugby avec Jacques Rivoal, président du Comité d’organisation de la Coupe du monde de rugby 2023.

La nouvelle patronne de la CGT Sophie Binet se retrouve à la même table ronde que le futur ancien patron du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux pour parler de “rééquilibrer le pouvoir en entreprise” dès 8h30.

A la même heure, le ministre des transports Clément Beaune participe à un panel avec Jacques Attali, le patron d’ADP Augustin de Romanet, le président de la COP 15 Alain Richard Donwahi et la PDG du groupe FDJ, sous le feu des questions de notre rédactrice en chef Marion Solletty, chargée de les faire parler de long terme dans la décision politique.

Marre des vieux patrons? La session spéciale de 10h30 et la plénière finale de 12h15 laissent la place aux jeunes pour qu’ils leur disent ce qu’ils attendent d’eux et présentent les quatre thèmes censés leur redonner espoir.

ERRATUM: L’horaire inavouable de bouclage de notre infolettre d’hier nous a fait commettre l’erreur d’ajouter un nouveau client au portefeuille de Taddeo, qui accompagne non pas Sébastien Bazin du groupe Accor (suivi par Image 7) mais Benoît Bazin, de Saint-Gobain. Toutes nos excuses.

Un grand merci à : la bonne humeur de nos sources sollicitées autour d’un rosé ou d’un esquimau fraise, vous amis lecteurs d’un week-end, et Booba bien sûr.

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